La poignée de mains est la toute première chose qu’il vous faudra savoir manier avec dextérité et obstination.
Tout élu vous dira qu’une élection, avant de pouvoir éventuellement la savourer sous les ors de palais pas plus républicains que les hôtes pour lesquels ils furent bâtis, se gagne d’abord sur le terrain, au contact de ses électeurs, c’est à dire en serrant la main du plus grand nombre possible d’entre eux.
Techniquement, le geste mérite un peu d’entraînement. Seul le métier peut rendre aussi naturel et spontané que possible ce qui n’est qu’un réflexe mécanique.
Vous devez d’abord vous diriger vers votre cible d’un pas décidé en la regardant droit dans les yeux avec un large sourire pour bien lui signifier qu’elle est bien l’objet à cet instant précis de toutes vos attentions ;
Vous devez ensuite commencer à tendre votre bras dans la phase d’approche finale ce qui a pour avantage de rendre en général la réciproque inévitable, et l’échange irréversible.
Vous attrapez alors sa main au juste moment afin de ne paraître ni trop condescendant ni trop à la pêche aux voix ; en allant chercher de manière trop ostentatoire une main qui était bien tranquille, là où elle ne dérangeait personne, vous risqueriez d’apparaître largué dans les sondages !
Evitez cela, surtout si c’est le cas.
Vous serrez alors fermement sa main, mais attention : ni brutalement ni violemment ! vous devez donner l’impression d’être volontaire mais pas velléitaire ! si votre électeur potentiel se met à hurler de douleur, c’est que vous vous êtes laissé entraîner trop loin par vos convictions républicaines !
Surtout ne vous attardez pas, et passez très vite à une autre main, puis à une autre et ainsi de suite… jusqu’à votre élection ; ne ménagez pas votre peine ; un de mes amis qui a remporté en 2001 les élections municipales dans sa commune d’une dizaine de milliers d’habitants m’a expliqué que, étant un quasi inconnu en début de campagne, il avait dû programmer avec ses cinq colistiers de rendre visite systématiquement à tous les habitants de sa commune, soit 2000 personnes à rencontrer en trois mois, et donc 4000 poignées de main (une pour dire "bonjour" et une autre pour dire "au revoir"), sans compter les jours de marché.
Dans un pays comme le nôtre, comptant 40 millions d’électeurs environ, si l’on respecte la même proportion, il vous faudra serrer la main de 8 millions d’entre eux, soit 20% du corps électoral (score minimum qu’il vous faudra atteindre au 1er tour si vous voulez avoir une chance de l’emporter au second), soit encore 1000 poignées de main par jour pendant 22 ans, (ou si vous préférez, 100 poignées de main par jour pendant 220 ans !)
Un bon conseil : commencez tout de suite !
Allez, à +
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