Offrons des fleurs.
On n’imagine pas les vertus thérapeutiques d’une visite chez un fleuriste. Faites l’expérience régulièrement et vous verrez les bienfaits d’offrir des fleurs à la femme qu’on aime, surtout quand on vient de se disputer avec elle, ou à une inconnue, surtout quand elle vous méprise, ou bien à sa concierge, surtout quand elle vous énerve, ou encore à sa maman, surtout si vous lui en voulez depuis votre naissance, ou tout simplement à soi-même, pour la maison, surtout quand on est déprimé.
Je souhaite à chacun de mes prochains de connaître l’ivresse que j’ai déjà éprouvée, un bouquet à la main comme un trophée et un sourire aux lèvres, en croisant mes voisins ou de simples passants, et lisant ou voulant lire dans les yeux des femmes que je croisais le désir secret d’en être les destinataires, ou la jalousie de ne l’être point.
Par certains côtés, l’achat d’un bouquet pour l'offrir répond d’abord à un plaisir égoïste. Celui de se faire remarquer. De se faire aimer.
De même qu'une grand-mère qui gâte ses petits-enfants à Noël se fait d’abord plaisir à elle-même, lorsque j’offre un bouquet de fleurs à la maîtresse de maison chez qui j’ai été convié à dîner, je m’offre d’abord à moi-même une belle occasion pour qu'on me remercie. Et pour qu'on se souvienne de moi au moins tant que les fleurs ne seront pas fanées.
Je pourrais fort bien arriver les mains vides. Les hôtes qui m’accueillent ne me jetteront pas dehors.
Pourtant, je le dis, j’aime acheter des fleurs, j’aime les offrir en arrivant à un dîner, et j’aime constater combien cela fait plaisir.
De la même façon que j’aime en rapporter chez moi, pour le plaisir de toute la famille.
L’occasion se présente chaque semaine ou presque sur le marché du samedi ou du dimanche matin. Après avoir suivi à la lettre, avec une discipline masculine imbécile, la liste des provisions alimentaires qui m’avait été prescrite, m’autorisant toutefois quelques initiatives personnelles forcément coupables, dont l’idée me vient en général devant les rillettes d’oie ou les pâtisseries, je décide aussi d’ajouter des fleurs – Ô sublime surprise – au-dessus du panier.
Et lorsqu’on me demande : « c’est pour offrir ? » ; même si je suis tenté de répondre « Oui, c’est pour offrir à celle que j’aime et qui partage ma vie ! » je me ravise illico et je réponds : « Non, c’est pour la maison », formule pratique qui permet surtout de gagner le quart d’heure extrêmement irritant durant lequel la fleuriste, déployant son savoir-faire acquis année après année, met un point d’honneur à transformer sous vos yeux un simple bouquet de fleurs en cadeau princier, rendant de fait le geste prétentieux et l’objet intransportable.
Soyons donc égoïste et simple : offrons-nous des fleurs.
Allez, à +