La bicyclette est mon deuxième mode de déplacement favori, après la marche à pieds.
Qui n’aura jamais eu l’occasion de pédaler dans l’insouciance d’une matinée de printemps, entre l’Opéra Garnier et la bibliothèque de l’Institut, ne connaîtra jamais cette douce ivresse du cycliste en liberté dans les rues de Paris, maîtrisant mieux que quiconque son temps de parcours, laissant le piéton sur place, le bus à ses arrêts, le motard à ses bruyantes accélérations et l’automobiliste à ses crispations et à ses impatiences rugissantes.
A chaque fois que je choisis de prendre mon vélo, j’ai vraiment l’impression de jouer un tour à la ville et à ses règles. Un peu comme si j’utilisais une petite porte dérobée pour entrer dans un théâtre où tout le monde se presse devant les grandes portes principales. C’est un véritable plaisir de gamin, même s’il faut savoir rester vigilant en permanence, que de pouvoir passer à peu près partout, et là même où les motos ne peuvent se faufiler, quitte à descendre de sa bicyclette sur quelques pas et l’amener par la main de l’autre côté d’un obstacle infranchissable.
C’est une façon finalement presque poétique de détourner le progrès, une façon de dire à ces messieurs qui décident : voyez, vous avez conçu le monde urbain autour de la voiture, et bien moi, je peux m’en passer, et même très bien !
Bien sûr je suis le premier à reconnaître qu’il existe des centaines d’endroits bien plus adaptés que Paris à la circulation des cyclistes ; des villes tranquilles, ou des endroits à faible trafic automobile où vous prenez infiniment moins de risques que dans la capitale, où vous pouvez – quel bonheur ! – circuler en famille en toute tranquillité à toute heure de la semaine ; comme ces îles à la superficie réduite, éloignées du continent mais pas trop, où l’on peut – quel bonheur ! – vivre sans voiture, mais pas sans vélo.
J’ajouterais que le vélo n’est pas seulement un moyen de locomotion mais que c'est surtout un art de vivre, une philosophie qui se caractérise par :
1° une attitude plus ouverte, plus à l’écoute du monde extérieur ;
2° une approche plus décontractée et moins conflictuelle des transports urbains ;
3° une contribution personnelle et pragmatique dans le débat sur le réchauffement de la planète.
Un art de vivre célébré de nombreuses fois, et sur de nombreux modes. J’en retiendrai pourtant un plus particulièrement, que nous aimons écouter en boucle dans la voiture (lorsque nous sommes obligés de l’utiliser), surtout dans les embouteillages, et qui commencent par : « Quand on partait de bon matin, quand on partait sur les chemins… »