Lorsqu’un énergumène lobotomisé au volant de ce qui ressemble à une automobile mais qui lui sert visiblement plutôt de défouloir, s’avise sans préavis de vous infliger l’un de ces écarts de conduite qui rendent fou le plus zen des conducteurs, je veux parler d’une queue de poisson, d’un changement de file inopiné sous votre nez, d’une manœuvre périlleuse et d’une goujaterie inouïe ; ou – peut-être la pire des tortures – lorsqu’un automobiliste semblant complètement égaré sur terre, jouant avec vos nerfs devant vous en se traînant littéralement jusqu’au feu, semblant faire exprès d’attendre qu’il vire à l’orange avant de forcer l’allure, vous laissant scotché au rouge ! Qu’elle est généralement notre réaction ?
Il est certes difficile de garder son calme dans ces cas-là et d’éviter les coups de klaxon vengeurs et répétés, les insultes, les coups de sang, ou les leçons de morale, c’est selon le caractère de chacun.
Ce que je ne saurais trop vous conseiller dans ces cas-là, c’est de laisser tomber. Si vous vous laissez emporter, au mieux vous risquez de vous prendre en retour une insulte dix fois plus grosse que celle qui vous aura échappée, ou pire, si vous tombez vraiment sur le taré du jour, il peut y avoir mort d’homme.
Pour ma part, lorsque je suis confronté à pareille situation, j’ai systématiquement constaté que l’extrême politesse constituait une arme de défense ou de riposte quasi absolue.
Le procédé qui consiste à présenter illico ses plus plates excuses à celui qui le mérite le moins au monde et que vous avez plutôt envie d’égorger – ce qui pourrait d’ailleurs bien être la définition du comble de la politesse – est un procédé aux multiples vertus :
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a/ cela permet d’abord d’étouffer dans l’œuf sa propre agressivité qui ne demande pourtant qu’à déborder ;
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b/ vous donnez indirectement une leçon de morale à votre « agresseur » en lui volant d’entrée sa réplique ;
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c/ vous le privez de la possibilité extrêmement tentante d’entamer une escalade dont les apparences pouvaient laisser craindre, étant donné la façon disons peu souriante dont il a surgi hors de son véhicule, qu’elle ne serait pas restée uniquement verbale ;
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d/ enfin, si vous êtes suffisamment habile dans le ton que vous aurez su employer pour présenter vos excuses, vous pourrez peut-être savourer à retardement – car comme chacun le sait, ce genre de plat se mange froid - le sentiment vertigineux d’avoir introduit le doute dans l’esprit de l’ennemi qui, longtemps après vous avoir perdu de vue, se demandera avec rage et sudation si vous ne vous étiez pas franchement foutu de sa gueule !
Ainsi, quel que soit la gravité de l’incident dans lequel vous étiez impliqué, vous aurez la satisfaction peu commune d’avoir fait progresser la paix dans le monde et désamorcé une crise qui, en d’autres circonstances et entre personnages aux penchants nettement plus belliqueux, aurait pu se conclure à coup de missiles.
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