Ce conseil, que l’on trouve parfois placardé à l’entrée de certains parkings, ou de certains immeubles particulièrement surveillés, m’a toujours beaucoup amusé.
Car enfin, pourquoi diable sourire davantage à des vigiles invisibles qui veillent sur la sécurité de ces lieux peu accueillants, qu’à des passants, connus ou inconnus que vous croisez dans la rue ?
La bonne attitude n’est-elle pas plutôt de faire comme si nous étions tous filmés en permanence ? De même que lorsqu’on se regarde dans une glace, le matin, on se met en valeur du mieux que l’on peut, pourquoi ne pas garder ce réflexe lorsque l’on croise le regard des autres ?
Ce conseil est sans doute l’un des plus difficiles à suivre, et j’avoue que je suis moi-même incapable de le suivre à la lettre, tant il est fréquent de me surprendre moi-même en train de visiter mes narines avec mon index, d’agiter frénétiquement ma jambe ou de ronger mes ongles, autant de signes de nervosité qui, lorsque je les observe chez autrui me paraissent si repoussant que je me demande comment on peut ne pas s’en rendre compte.
Et pourtant, convenons ensemble que si chacun d’entre nous agissait en permanence comme si quelqu’un d’autre nous regardait, non pas tel « big brother » qui voudrait contrôler nos faits et gestes, mais plutôt comme si un miroir invisible nous accompagnait en permanence, la vie serait sans doute plus belle.
Un peu comme le code de la route nous impose de nous arrêter au feu rouge, même lorsqu’il n’y a strictement personne à plusieurs kilomètres à la ronde, il suffit d’obéir à la règle du miroir invisible, de manière à ce que chacun de nos faits et gestes de la vie quotidienne, chacune de nos attitudes, chacune de nos paroles ne puissent nous faire honte si on pouvait les surprendre.
Il suffit de s’inspirer de tous ceux pour qui cela constitue comme une seconde nature, habitués par leur profession ou leur position, à devoir séduire le public ou à le conquérir. Observez comme une femme ou un homme politique, une star de cinéma, semble toujours se comporter comme si une caméra filmait sans cesse.
Je vous propose un jeu amusant que vous pouvez essayer tous les jours, où que vous soyez, sans aucun matériel ni aucune préparation spécifique, et pendant un laps de temps que vous déciderez vous-même en toute liberté, sans aucune contrainte : imaginez seulement que chaque personne que vous croisez, chaque individu dont vous croisez le regard ou à qui vous vous adressez à un moment de votre vie quotidienne, porte au-dessus de sa tête une sorte de petite pancarte invisible de tous, sauf de vous, comme sortant de son col derrière la nuque, sur laquelle vous seul pouvez lire très distinctement : « souriez, ou vous êtes mort ! ».
Faites un essai la prochaine fois que vous sortirez ; proposez ce jeu à vos proches et à vos amis ; ne finissez aucune journée sans avoir essayé de convaincre au moins une nouvelle personne de s’y prêter ; vous verrez que, peu à peu, les physionomies qui vous entourent s’éclairciront et que l’ambiance de votre quartier, de votre village ou de votre voisinage changera.
Quant aux procureurs et autres censeurs qui, sous couvert d’impératif de santé ou de sécurité publique tenteront de vous effrayer et de vous mettre en garde contre tout excès en cette matière, agitant le spectre de l’asile pour tous ceux qui seraient tentés de s’adonner sans retenue au jeu du « souriez-vous tant que vous voulez », ne les écoutez pas, ce sont de sinistres sires.
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