Je me souviens d’un de mes meilleurs camarades de classe, dans les années 70 au lycée, me racontant ses nombreux voyages en famille. Nous étions tous évidemment fascinés et jaloux à chaque retour de vacances scolaires en écoutant son nouveau récit. Ses parents étaient contre le principe d’une résidence secondaire, et préféraient partir avec leur deux fils plusieurs fois par an, pour des destinations exotiques comme le Kenya, le Mexique, l’Egypte, la Californie, l’Afrique du Sud ou l’Indonésie. Il avait ainsi la chance de visiter des pays lointains, dans des conditions de grand confort.
J’avais retenu que l’une des occupations favorites de son père dans les nombreux palaces qu’ils fréquentaient, consistait à s’asseoir un certain temps dans le hall et à observer attentivement tous les gens qui passaient dans son champ de vision. Outre le fait que j’avais du mal à comprendre pourquoi il lui fallait faire autant de kilomètres pour s’adonner à une occupation somme toute aussi banale, je ne voyais pas bien l’intérêt de perdre son temps à regarder des gens passer dans un hall d'hôtel, fût-il de grand luxe, alors qu’une vie entière ne suffirait sans doute pas à découvrir toutes les beautés et les curiosités des pays visités, pays dans lequels, généralement, lorsqu'on a l'occasion d'y aller, on ne va qu'une fois dans sa vie !
Pourtant, je me surprends assez souvent à m’adonner à cette amusante occupation, dans les transports en commun ou dans les lieux publics, parfois en faisant mine de consulter mes messages ou d'envoyer un texto. Je m'arrête un instant, une fraction de vie, sur ces visages fugaces croisés dans ma vie quotidienne, et je me dis que derrière chaque visage, derrière chaque regard, il y a une histoire, il y a une vie, avec ses peines et ses joies, ses bonheurs et ses souffrances.
J'imagine même parfois être un extra-terrestre envoyé sur terre sous l’apparence du commun des mortels, avec pour mission secrète de tout observer et de tout noter mentalement sur les us et coutumes de ces curieux indigènes qui peuplent cette planète mystérieuse.
Ainsi, lorsque je suis entouré d’une foule de gens que je ne connais pas, dans une promiscuité telle que je pourrais sans effort les entendre penser – ce qui n’aurait rien d’illogique étant donné les capacités surnaturelles dont je suis pourvu en tant qu’extra-terrestre – je profite du simple plaisir d'observer tout en me félicitant d'avoir sous la main une matière première abondante pour mon étude !