Nouvelle soirée ataraxique à la Comédie Française jeudi dernier où j'ai assisté à une version merveilleuse, vivante, enlevée, intelligente et drôle du "Mariage de Figaro" de Beaumarchais. Avec le jeune Laurent Stocker en Figaro bondissant, brillant, tourbillonnant, entouré d'une belle distribution dont Michel Vuillermoz dans le rôle du Comte, qui m'avait déjà comblé en Cyrano au printemps dernier.
Un vrai bonheur !
Mais c'est surtout le texte qui reste - et c'est tant mieux - la vraie vedette de cette soirée. Un texte magnifique dont l'impertinence et l'anti-conformisme demeurent d'une grande modernité encore de nos jours. L'attaque de la société aristocratique et donc du pouvoir en place par la voix d'un valet émancipé qui mène son maître par le bout du nez, résonne toujours d'une audace réjouissante dont il est bon de se rappeler quelques traits de génie :
En plus du bonheur de redécouvrir un texte aussi beau, j'ai surpris cette petite réplique:
LE COMTE. Les domestiques ici sont plus longs à s'habiller que les maîtres !
FIGARO. C'est qu'ils n'ont point de valets pour les y aider.
...
FIGARO. De l'esprit pour s'avancer ? Monseigneur se fit du mien. Médiocre et rampant, et l'on arrive à tout.
...
FIGARO. Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits.
...
FIGARO. Le désespoir m'allait saisir ; on pense à moi pour une place, mais par malheur j'y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l'obtint.
...
FIGARO. je commençais même à comprendre que, pour gagner du bien, le savoir-faire vaut mieux que le savoir.
...
FIGARO. Eh ! qui pourrait m'en exempter, Monseigneur ? Vous commandez à tout ici, hors à vous-même.
"Il faut souffrir de ce qu'on ne peut empêcher."
Quelques mots, trois fois rien, un petit bout de phrase dans laquelle j'ai cru voir pourtant beaucoup; comme une filiation épicurienne entre Montaigne (1533-1592) et Beaumarchais (1732-1799); le second ayant été quasi certainement un lecteur des Essais suffisamment attentif pour y relever ce précieux conseil :
"Il faut apprendre à souffrir ce qu'on ne peut éviter." (Les Essais, Livre III ch. XIII)
Sage conseil en vérité pour qui recherche à éviter les tourments.
Allez, à +