Passez-vous de télévision encore une fois ; elle ne vous apportera que mauvaises nouvelles, violences, inepties, fadaises, bêtises, forfaitures, décadence et repli sur vous-même.
Précipitez-vous sur ce livre, petit par la taille (une centaine de pages en « poche »), modeste par le titre, mais immense pour tout le reste.
Conrad et Hans sont deux adolescents, deux amis. Ils sont dans la même classe, et vivent dans l’Allemagne des années trente. Conrad est aristocrate, Hans est juif. Ils affrontent tous deux la montée du nazisme. Le premier devient officier pour servir son pays, l’autre est obligé de le fuir.
Sans vouloir dévoiler le fin mot du livre, pour ceux qui ne le connaisse pas ou ne s’en souvienne pas, le titre lui-même souligne le paradoxe de l’histoire puisque c’est à l’instant précis où Hans apprend qu’il a définitivement perdu son ami Conrad qu’il le « retrouve ».
Ce livre devrait être le livre de chevet de tout jeune européen, dans tous les programmes d’éducation et dans tous les esprits de tout futur citoyen de notre vieux continent.
C’est une absolue nécessité que de se le procurer, de le lire, de le faire circuler, de le partager, de le recommander et de s’en souvenir.
Je me souviendrai pour ma part longtemps du jour où mon père, jugeant sans doute que j’étais en âge de lire et comprendre le message de cet ouvrage à la fois chef d’œuvre de sensibilité et témoignage universel (je devais avoir environ 16 ans, l’âge des deux héros au début de l’histoire), où mon père, donc, m’a tendu ce petit livre en me disant : « tiens ! tu devrais lire ça ! ».
C’est un livre magnifique, et pourtant ce n’est pas le livre d’un écrivain. C’est plutôt le résultat unique d’un travail littéraire dont l’auteur, avocat de formation, se considérait lui-même plutôt comme un peintre raté.
En plus de ce récit inspiré directement de sa propre jeunesse, son autre livre, pleinement autobiographique celui-là, et publié vers la fin de sa vie, a pour titre en français « Il fait beau aujourd’hui à Paris ». Ce titre est en fait la phrase codée prononcée un certain jour par un de ses amis au téléphone. Il est alors avocat, juif, installé en Allemagne, et Hitler est au pouvoir. Il comprend qu’il est en danger, et qu’il doit partir, sans attendre. Il va s’exiler pour toujours, d’abord à Paris et à Londres, puis aux Etats-Unis où il vivra jusqu’à la fin de ses jours. Dans ce deuxième livre, un passage très émouvant est celui où il explique comment il en vient, lui qui aimait tant la culture allemande, sa musique et sa littérature, à décider de ne plus jamais prononcer un seul mot en allemand, ce qui revient dans son cas à renoncer définitivement à sa langue maternelle, pour ne plus s’exprimer qu’en anglais.
N’attendez plus ! Courez tout de suite pour vous procurer « L’Ami Retrouvé » de Fred Uhlman.
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