Ce matin, en passant devant la gare Saint-Lazare d'un pas décidé, mon "laptop" en bandoulière, une caméra de France 2 me chope et la journaliste m'interpelle sans me laisser le temps de la moindre réaction :
"Qu'avez-vous pensé de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy ?"
Je ne sais pas comment vous auriez répondu, mais moi, cueilli à froid dès le matin, sous la bruine, dans la foule stressante des salariés de la banlieue Ouest qui arrivent par rames entières dans la capitale, au pied des marches et avec mon esprit d'escalier, je me suis retrouvé très con et pas très fier des banalités que j'ai essayé d'articuler sans réfléchir.
L'interview n'a sans doute pas duré beaucoup plus d'une minute, ce qui est trop long quand vous n'avez rien préparé, et trop court quand vous voulez faire passer quelques idées. Et le comble, c'est que l'équipe de France 2 n'a gardé qu'une poignée de secondes, sept mots en tout et pour tout, sortis du contexte, et qu'elle s'est cru autorisée, Ô suprême ironie, de me classer dans le camp des "quelques alliés" de Nicolas Sarkozy, dont les représentants étaient apparemment difficile à trouver en ce lendemain de grand Sarko-show.
Alors voilà ce que je répondrais si l'on pouvait rembobiner cette journée :
Qu'avez-vous pensé de la conférence de presse de Nicolas Sarkozy ?
Sur le moment, j'avoue que j'ai trouvé Nicolas Sarkozy assez bluffant ! On se dit qu'il est vraiment très fort, qu'il a des idées sur tout, qu'il veut tout changer. Il veut changer le contrat de travail, il veut changer Paris, il veut changer le G8, il veut changer le Conseil de Sécurité, il veut même changer de civilisation !
Mais une fois que le "TGV Sarkozy" est passé, et que vous retournez à votre vie quotidienne, il reste une drôle d'impression.
D'abord, nous avons vu 2 Sarkozy : celui qui lit un discours écrit par un autre, et sur ce point on est en droit de se demander s'il pense réellement tout ce que sa plume lui écrit depuis qu'il est Président.
Personnellement, je préférerais avoir un Président qui écrit lui-même ses discours. Pas vous ?
Et puis il y a le Sarkozy qui répond de manière spontanée aux questions, avec un ton personnel souvent ironique, parfois un peu méprisant, et en tout cas fort peu littéraire !
Et là, tout à coup, on se demande comment on a bien pu en arriver là ?
Comment, dans la France des Arts et des Lettres, la France des Lumières, la France de Montaigne, de Saint-Simon, de Corneille et de Racine, de La Fontaine, de Molière et de Lully, de Montesquieu, de Voltaire et de Rameau, de Stendhal, Balzac, Hugo et Proust, on a pu élire un Président qui s'adresse à nous dans un langage aussi familier et trivial.
Et en réponse à son "M'sieur Joffrin" on a vraiment envie de lui répondre :
"Oui M'sieur Sarkozy, on est très content d'vivre dans c'pays, et c'est pas grâce à vous !"
Allez, à +